La ballade de Rouge-queue
La douce lumière de ce matin de printemps incite à la promenade.
Les pâquerettes tiennent compagnie aux dernières violettes.
Petite violette
entourée de pâquerettes
se sent-elle moins seule ?
Un drôle de petit oiseau attire mon attention. De la taille d’un moineau, perché sur une branche du prunier il m’observe de son œil rond comme un bouton de bottine.
Plus qu’il ne chante, il lance de petits cris rapides, courts et nets.
Son plumage gris-cendré, le dessous de sa queue d’un beau rouge-orangé tranchent au milieu des fleurs blanches.
les pruniers fleuris
sous le soleil matinal
embaument ma chambre
Lequel de nous deux est le plus étonné, le plus curieux ; je ne saurais le dire.
Il saute de branche en branche, volette sur la clôture, sautille jusqu’au portail, retourne d’un vol léger et rapide dans le prunier, me fixant toujours de son œil rond, puis recommence son ballet.
« Tu veux me dire quelque chose, petit oiseau dont je ne connais le nom ? Rouge-queue, voilà qui t’irait bien ! »
Je me décide à bouger. Je ferme la porte derrière moi, descends les marches du perron. Rouge-queue n’a pas eu peur, perché sur le portillon, il m’invite à l’escapade.
au petit matin
seuls les pigeons dans les rues –
la ville tranquille.
Mon compagnon de route prend un peu d’avance, se pose sur la branche d’un marronnier et m’attend.
collant sous les doigts
les bourgeons du marronnier
bientôt feuilles vertes
Sous le soleil tendre, la petite ville de banlieue s’anime ; les uns marchent tranquillement pour se rendre au travail, profitant des senteurs printanières avant de s’engouffrer dans le train ; les autres courent, de peur de le rater.
la jeune maman
devant elle une poussette
nourrice, métro, boulot !
je ferme les yeux
s’évader quelques instants
de ce monde fou
Rouge-queue fait une pause dans une haie, picorant quelques insectes. C’est à mon tour de l’attendre.
le volubilis
envahit la haie sauvage
reflets de l’azur
Il lâche négligemment une fiente, en deux-trois coups d’ailes rejoint le muret de la grande maison aux volets bleus.
Je contemple le jardin, y cherche quelque inspiration pour mes plantations futures.
la glycine s’étend
le mur à nouveau caché
couleur bleu pastel
l’azalée en fleurs
le soleil étincelant
dix mille grenats
des grappes violettes
au milieu de la verdure
le lilas embaume
constellés de blanc
les orangers du Mexique
refuge du merle
Une véritable palette de peintre ! Fréquemment les promeneurs s’arrêtent devant cette féérie de couleurs.
Monet aurait pu y poser son chevalet.
parfum délicat
ces fleurs aux noms inconnus
grimpent sur le mur
Quelques miaulements plaintifs attirent mes pas de l’autre côté de la rue ; mon petit éclaireur préfère rester sagement sur le muret, à distance de cet ennemi héréditaire.
tout en haut de l’arbre
le chaton né au printemps
appelle sa mère
Je reprends mon chemin, laissant la maman s’occuper de son rejeton un peu trop hardi, admirant au passage quelques propriétés.
Nous voilà arrivés à la sortie du village.
À quelques kilomètres de la métropole, la campagne s’offre à nous. Quelle chance de pouvoir encore contempler la nature !
par delà la haie
la campagne à l’horizon
l’aube du printemps
marrons, jaunes et verts
palette champêtre
les champs se succèdent
Rouge-queue s’arrête sur le mur du cimetière, se retourne comme pour me dire au revoir, puis s’envole en direction du petit bois.
l’envol d’un oiseau
la poésie du moment
haïku de toujours.
Merci petit oiseau, tu as été un merveilleux guide. Peut-être une autre fois, pour une autre promenade !